Pourquoi faut-il apprendre le chinois à nos enfants ?
L’apprentissage de la calligraphie chinoise est aussi un excellent exercice de mémorisation et améliore l’esprit de déduction des enfants. Apprendre le chinois, une langue d’idéogrammes, permet de s’imprégner d’une logique de raisonnement différente, et de découvrir une vision holistique du monde...
L’apprentissage du chinois mandarin est encore peu répandu dans l’enseignement secondaire et supérieur en France, mais il connaît depuis ces dernières années une très forte croissance. Un engouement que montrent le nombre d’inscrits en faculté et le succès des méthodes d’apprentissage. Aujourd’hui, selon les données du ministère de l’Education nationale, 20 000 élèves dans le secondaire en France apprennent le chinois. Un chiffre multiplié par plus de dix depuis 1995, et qui permet de faire de la langue de Confucius, la cinquième langue étrangère la plus enseignée en France devant le portugais ou le russe par exemple.
Une réussite d’autant plus à souligner que les moyens financiers et humains ne suivent guère. Les postes offerts aux concours ne cessent de diminuer, et selon toute vraisemblance, aucun concours d’agrégation externe ne sera organisé en 2012. Il est vrai que cette discipline ne dispose pas de syndicats puissants, capables de se faire entendre.
Au-delà d’un effet de mode, et d’un certain snobisme permettant de prononcer un exotique «ni hao» ou «xièxie», l’apprentissage du chinois répond à plusieurs aspirations.
La présence d’une forte communauté asiatique en France pourrait expliquer l’intérêt manifesté pour cette langue. La plupart des Chinois immigrés en Occident ne parlent que les dialectes des régions dont ils sont originaires, comme celle de Wenzhou. La scolarisation de leur enfant est l’occasion de leur apprendre la langue véhiculaire de leur pays d’origine.
Ensuite le dynamisme économique de «l’empire du Milieu», suffisamment souligné par les médias, encourage également l’apprentissage du Chinois. La plupart des grandes écoles de commerce ont inclus dans leur programme un enseignement du chinois mandarin, parfois même rendu obligatoire. Pour une certaine jeunesse avide d’aventures, le voyage en Chine devient un rite initiatique comme l’était la découverte de l’Amérique dans les années 1950.
Pour autant, faut-il investir son énergie à apprendre une langue jugée complexe ? L’exemple du japonais semblerait conforter les sceptiques. Ni le Japon ni l’Allemagne ne sont parvenus à imposer leur langue comme une référence. Dans ces deux pays, l’anglais sert de moyen de communication dans le monde des affaires.
Mais l’apprentissage d’une langue n’a pas qu’une finalité économique. L’apprentissage de la calligraphie chinoise est aussi un excellent exercice de mémorisation et améliore l’esprit de déduction des enfants. Apprendre le chinois, une langue d’idéogrammes, permet de s’imprégner d’une logique de raisonnement différente, et de découvrir une vision holistique du monde. Dans sa lutte contre le cancer, David Servan-Schreiber décédé récemment, recommandait de pratiquer la méditation et les exercices respiratoires pour lutter contre le stress et d’accorder la priorité aux aliments naturels. Un discours original en Occident, qui a toujours privilégié les remèdes chimiques. Une hygiène de vie habituelle en Chine, où l’on est convaincu que l’esprit commande le corps. Parler la langue chinoise permet de comprendre une culture, dans laquelle l’attention envers les anciens et l’éducation des enfants occupent une place essentielle.
L’image peu flatteuse que nos concitoyens ont de la Chine et l’inquiétude qu’elle suscite est principalement le reflet d’une ignorance. Apprendre le chinois à nos enfants, c’est mieux les préparer à se confronter à la mondialisation et comprendre une culture millénaire qui ne se résume pas aux babioles «made in China».
(article de Libération 23 janvier 2012 par FRANÇOIS LAFARGUE Docteur en sciences politiques, professeur à lESG Management School, LI ZHOU-LAFARGUE Docteur ès lettres, agrégée de chinois à Paris-VII)
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